Du risque d’extension de la procédure de liquidation judiciaire de la Société débitrice à la SCI bailleresse des locaux d’exploitation
Auteur : Céline REGNIER
Publié le :
22/03/2019
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Dans le cadre de l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’égard d’un débiteur, en particulier d’une société présentant un passif important et un actif disponible quasi inexistant pour permettre son apurement, le risque d’extension de la procédure à la SCI qui lui a donné à bail les locaux d’exploitation est bien réel, quand bien même celle-ci ne remplirait pas les conditions nécessaires à l’ouverture d’une procédure collective.
On sait déjà qu’il existe dès lors que la SARL en difficulté ne règle plus les loyers dus à la SCI : généralement composée des mêmes associés, ceux-ci décident parfois d’en arrêter le paiement, espérant ainsi préserver la trésorerie de l’exploitante. La SCI qui ne réclamerait pas les arriérés impayés et qui ne percevrait aucune contrepartie à l’absence de loyers risquerait alors de se faire attraire à la procédure (Cass. com. 28-2-2018 n° 16-26.734 F-D) à l’initiative de l’administrateur, du mandataire judiciaire ou bien du ministère public (conformément aux dispositions de l’article L. 621-1 du Code de commerce s’agissant de la procédure de sauvegarde judiciaire, applicable par renvoi aux procédures de redressement et de liquidation judiciaires). Son actif, comme celui de la SARL, servirait ainsi à payer les créanciers.
La justification de l’extension réside en effet dans l’existence de relations financières anormales entre les deux sociétés, constitutives d’une confusion de leurs patrimoines.
Mais la jurisprudence en a fourni récemment une nouvelle illustration.
Aux termes d’un arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 16 janvier 2019 (Cass. com. 16-1-2019 n° 17-20.725 F-D, SCI Le Condé c/ Procureur général près CA Paris), l’extension de la liquidation judiciaire d’une SARL à la SCI qui lui louait un local d’activité a été justifiée par l’existence de relations financières anormales entre elles, tenant notamment à la réduction de la surface louée sans modification du loyer.
Dans cette affaire, trois ans avant la fin du bail, un avenant avait été conclu entre les deux sociétés afin de réduire la surface des biens loués, sans indemnité ni modification du loyer, donc sans contrepartie. La SARL avait en outre vendu à la SCI pour 287.000 € de matériel en « paiement » des loyers dus, tandis qu’elle n’était redevable que de 182.000 € à ce titre et que la valeur du matériel vendu était bien inférieure au prix convenu (51.000 € en valeur nette comptable et 148.000 € en valeur brute, soit avant amortissements et provisions). La SARL avait par ailleurs continué d’utiliser ledit matériel, sans conclusion d’une convention de mise à disposition ni contrepartie pour la SCI.
Ainsi, l’arrêt sus énoncé rappelle que la confusion de patrimoines peut être caractérisée par la seule existence de flux financiers anormaux entre deux sociétés, sans que leurs actifs et passifs ne soient imbriqués de manière inextricable et permanente.
Il suffit d’établir l’existence de relations incompatibles avec des obligations contractuelles réciproques normales (Cass. com. 27-9-2016 n° 14-29.278 F-PB).
Il est à noter que de telles relations sont également établies entre une société en liquidation judiciaire et la société qui lui donne à bail les locaux d’exploitation, en cas de hausse anormale du loyer (Cass. com. 12-7-2017 n° 16-10.542 F-D).
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